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L’ascension du mont Fuji : Bienvenue au Japon

Mont Fuji

Premier épisode d’une petite série d’articles, qui va faire appel à ma mémoire, sur mon tout premier voyage. Un voyage au Japon qui a provoqué LE déclic et qui m’a donné envie de parcourir le monde tellement il m’est arrivé des trucs de fou. Dans cet article, je te raconte mon arrivée au pays du soleil levant et mon ascension du mont Fuji qui se termine avec un moment inoubliable.

Moi et le Japon

Pour commencer, je te remets dans le contexte. On est en 2015 et je n’ai jamais voyagé hors de France à part pour quelques compétitions sportives et ce n’était pas bien loin (en Suisse et en Angleterre). Un jour, je me décide à partir au Japon pour un mois, seul, avec un sac à dos. Pourquoi le Japon et pas ailleurs ? Eh bien parce que comme la plupart des enfants de ma génération, j’ai grandi avec le club Dorothée, ses dessins animés Japonais, les jeux vidéos, et enfin les mangas, ouais un geek quoi…

Mais en fait dans ce cas-là on dit plutôt « otaku ». En grandissant, je me suis de plus en plus intéressé à la culture japonaise et j’ai commencé à penser à faire un voyage pour découvrir tout ça en vrai. Et j’ai même pris des cours de japonais avec un étudiant.

Japon, me voilà !

Un soir de début septembre 2015, j’atterris à l’aéroport de Haneda à Tokyo. Pour la première fois, j’utilise ma désormais fameuse technique « du clodo », qui consiste à dormir à l’aéroport pour économiser une nuit d’hôtel. En fait, le lendemain matin je pars directement d’ici pour la ville de Kawaguchiko. Du coup, c’est plus pratique. Je ne passe pas vraiment une bonne nuit. Il faut dire qu’un siège de hall d’aéroport ce n’est pas bien confortable pour dormir. mais surtout, il y a ces satanés escalators qui lancent un message en japonais toutes les trente secondes avec une voix nasillarde insupportable : « Attention, tenez-vous à la rampe… Attention, tenez-vous à la rampe ».

Le lendemain après cette nuit géniale, je m’attaque à mes deux premiers défis: Activer mon « Japan Rail Pass« , qui permet de prendre pratiquement tous les trains gratuitement, et acheter un billet de bus pour Kawaguchiko. Fort de mon anglais fraîchement réactivé par des cours, la difficulté n’est pas bien grande, car je suis dans un aéroport de la capitale donc les personnes aux guichets parlent anglais.

Mes deux sésames en poches, et fiers comme Artaban d’avoir réussi à me faire comprendre, je me rends à l’arrêt de bus où je me confronte pour la première fois à la discipline Japonaise.

Le contrôleur de billets, vêtu d’un uniforme impeccable tiré aux quatre épingles et de gants blancs, me demande d’attendre le bus dans un rectangle dessiné au sol, ainsi que de poser mon sac dans un autre qui se trouve derrière. Je vais donc placer mon sac et je reviens attendre mon bus. Mais je dépasse un peu de mon rectangle. Le contrôleur me demande alors de bien me positionner au centre du rectangle. J’ai l’impression que le bon équilibre de l’univers tient seulement à ma capacité à rester sagement dans ma case. Il faut que rien ne dépasse ! Sinon c’est la fin de tout.

Visite de Kawaguchiko au pied du mont Fuji

Quelques heures plus tard, me voici donc à destination. Je pars à la recherche de mon auberge. Pour ce premier voyage j’ai tout organisé minutieusement jour par jour, tout est réservé depuis des mois. De plus, j’ai des itinéraires « mappy » avec un plan pour trouver chacun de mes hôtels. Je me perds un peu, mais finalement je trouve l’auberge. Je pose mes affaires, puis je ressors pour explorer la ville.

C’est une petite ville tranquille de campagne au bord d’un lac au pied de la célèbre montagne et entourée de forêts.

Au hasard de mes déambulations, je tombe sur un petit chemin qui monte dans un bosquet. Je décide de l’emprunter, c’est alors que j’arrive à un magnifique un petit temple. Si j’avais un doute, ce coup si, c’est sûr, je suis au Japon ! Tout y est. Le bassin de purification avec le dragon sculpté qui crache l’eau, le Shimenawa et ses gohei qui délimitent l’enceinte sacrée, des lions de pierres qui gardent l’entrée, ainsi que le temple avec ce type de toit rouge si particulier.

Le shimenawa est cette corde tressée, dessus sont accrochés les gohei de papier blanc il y en a dans tous les lieux sacrés

Plus tard, je trouve un point de vue dégagé qui me laisse voir le fameux mont Fuji. La célèbre montagne sacrée Japonaise qui est au pays ce que la tour Eiffel est à la France : Une sorte de vitrine mondiale, un symbole de la nation. Ce n’est pas une montagne, c’est en fait un volcan qui forme un cône quasi parfait. Avec ses 3770 mètres, c’est le point culminant du Japon.

La randonnée du mont Fuji

L’itinéraire

Si je suis à kawaguchiko, ce n’est pas pour visiter cette petite ville sans grand intérêt, mais pour gravir le Fujisan. C’est une randonnée très commune et pas bien compliquée. C’est un lieu très touristique et pour les Japonais, et même une sorte de pèlerinage. De sept à soixante-dix-sept ans tout le monde se lance à l’assaut du sommet un jour ou l’autre. Ainsi en pleine saison il peut être difficile d’avancer à son propre rythme tellement la foule est dense. Mon projet, c’est de voir le lever de soleil depuis le sommet du mont Fuji, c’est une chose très courante qu’énormément de monde fait.

Sur le volcan, il y a dix stations tout le long du chemin jusqu’au sommet, ce sont des refuges ou il est possible de dormir, se restaurer, faire une pause pipi ou acheter un souvenir… Généralement, les gens montent à la cinquième station en bus et finissent à pied, ou ils dorment à la huitième ou neuvième station et terminent l’ascension au petit matin pour assister au lever du soleil.

Mais moi, faire les choses à moitié ça ne m’intéresse pas. Non ! Je n’irai pas jusqu’à la cinquième station en bus. Mon plan c’est de partir de tout en bas et de monter de nuit jusqu’au sommet pour voir le lever du soleil. Ça signifie dix heures de marche, dont une bonne partie de nuit à la lumière de la lampe frontale.

Le temple

Avant le départ je consulte la météo, un peu de pluie est prévue pour la nuit, mais je ne m’inquiète pas, je suis bien équipé. Au départ du sentier, au pied du volcan il y a temple dédié au Fujisan où les gens peuvent adresser des vœux et des prières à l’esprit du volcan.

Les deux religions les plus présentes au Japon sont le Shintoïsme et le Bouddhisme. Pour la première, le terme peut te paraître un peu obscur. C’est en fait une religion polythéiste. Proche de la mythologie japonais. Elle fait la part belle à la croyance des « Kami », des esprits bienveillants, ou pas, qui habitent certains éléments naturels: Montagnes, forêts, arbres, rivières, chutes d’eau, rocher… Bref pratiquement toute la nature et ce qui la compose et ça c’est beau…

Une ascension calamiteuse

Vers dix-sept heures je me lance sur le Yoshida trail qui me mènera au sommet. Une heure plus tard, il commence à pleuvoir gentiment, puis ça s’envenime d’heure en heure et en fait, ça ne s’arrêtera pas de toute la nuit ! Et ce n’est pas de la petite pluie, non non. C’est de la grosse averse, genre tempête avec vent tonnerre et éclair! Bah merde, j’ai dû me planter de jour pour la météo.

Du coup, l’ascension devient réellement un truc de fou, voire un suicide… Au bout de huit heures à marcher sous la pluie, je suis usé, fatigué, et trempé malgré mes vêtements imperméables jusqu’à une certaine limite dépassée depuis longtemps. En effet, l’eau s’infiltre par la moindre ouverture, la moindre couture.

Mes gants sont devenus des éponges gorgées d’eau, et mes chaussures sont pleines de flotte. Au début, j’étais un peu protégé de la pluie, car une partie de la montée se fait en forêt. Mais maintenant, je suis sur la roche, en terrain découvert. Je suis à la merci des éléments et je me fais copieusement pourrir par la nature.

Puis j’ai un petit creux… Comme si le sale temps ne suffisait pas, j’ai oublié de prendre de quoi récupérer un peu d’énergie. Heureusement, j’ai quelques Yens en poche. Je m’arrête à une station et achète deux barres chocolatées. Bien sûr, je compte les manger à l’intérieur pour être à l’abri et me réchauffer, mais le mec me dit d’aller dehors, sous la pluie et dans le froid, par ce que je n’ai pas réservé ! Je pleure… Bah, du coup je retourne dehors pour manger mes barres de chocolat dont l’ouverture du sachet s’avère tellement difficile avec mes doigts mouillés, que c’est au-delà de toute compréhension humaine.

La décision du désespoir

Je continue de monter. Puis j’arrive à une autre station où j’essaye de me mettre à l’abri recroquevillé contre un mur. Je fais alors un bilan: Voilà maintenant environ neuf heures que je marche sous la pluie, je suis fatigué, trempé, j’ai froid et la météo rend l’ascension dangereuse. J’en ai carrément marre, et le moral n’est plus là, marcher sous la pluie c’est chiant. Bref, contrairement à Dany, le chanteur français : Ce n’est pas brillant !

C’est alors que je prends la décision de renoncer. Certes, le choix est difficile à faire et ne me fait pas plaisir. Toutefois, c’est la plus intelligente et la plus rationnelle. De toute façon même si je vais jusqu’en haut, je vais devoir attendre minimum une heure sous la pluie que le soleil se lève. Et je ne verrai rien à cause des nuages donc : Je rebrousse chemin et commence à descendre.

La descente

Environ trois heures plus tard, le jour s’est levé et la pluie a cessé. À un moment donné, je me retrouve à la croisée des chemins : d’un côté : une route. De l’autre côté : le Yochida trail. Je me souviens alors que lorsque je montais, j’ai vu des bus qui allaient à la cinquième station passer sur la route parallèle au sentier. Je décide de descendre par la route, car j’estime que ce sera plus simple de marcher sur le bitume plutôt que sur le chemin détrempé et boueux, mais sans doute un peu plus long…

Ça fait maintenant un moment que je suis sur cette route, plus d’une heure peut être deux… Épuise, je marche tel un zombie. Mes jambes bougent toutes seules et c’est plus la pente qui me propulse vers l’avant que ma propre force musculaire. Je marche depuis environ seize heures sans avoir dormi et sans avoir mangé. Mes pieds sont trempés. Ça fait « pouish- pouish » à chaque pas, mais point positif: Le reste commence à sécher ! Youpi…

Je me dis qu’à la première voiture qui descendra, je tendrai mon pouce pour me faire prendre en stop. Mais pour qu’il y ait une voiture qui descende, il faudrait d’abord qu’il y en ait une qui monte, car pour le moment aucun signe de vie. Et c’est bien normal… En effet quelques kilomètres plus loin, je me rends compte que cette portion de route est fermée à la circulation ! C’est la tuile, une de plus, je vais pouvoir me faire couvreur !

Le verdict est tombé: Je suis perdu. Pas de panique, c’est un volcan, il n’y a pas beaucoup de routes et celle-ci qui descend, doit bien arriver quelque part, mais quand ?

Rencontre avec mon sauveur

Je continue à descendre. Bien plus tard, je commence à voir quelques voitures arrêtées sur le côté de la route, mais sans croiser une âme qui vive.

Soudain, j’entends un moteur dans mon dos. J’utilise alors l’ultime recours du voyageur en galère sur la route. Dans un mouvement désespéré, je tends mon bras et lève mon pouce en espérant que dans ce pays à la culture différente, ce geste signifie bien un appel à l’aide et non pas une quelconque insulte.

Ô joie, ô comble de bonheur, la voiture s’arrête ! Le conducteur est un vieux monsieur Japonais. Il m’invite à monter dans son véhicule sans même me demander où je vais. Avant de monter, je lui indique ma destination. Je comprends alors qu’il s’en fiche. Il a juste envie de me prendre en stop. Une fois à l’intérieur, il programme son GPS, car il ne sait même pas où se trouve kawaguchiko.

Dans la voiture, nous communiquons tant bien que mal: Un peu d’Anglais, quelques mots japonais et des signes de mains. Nous arrivons tout de même à nous comprendre. Vu l’endroit où il m’a pris en stop, il comprend que je viens du sommet (enfin presque…). Il me félicite donc pour mon « courage ». En effet, il a l’air très heureux et fier de voir un Occidental qui a fait l’ascension de la montagne sacrée de son pays.

Un échange culturel extraordinaire

À ses côtés, je ne ressens que de la bienveillance et de la gentillesse, et aussi un peu de curiosité. Pour lui montrer ma reconnaissance, je lui sers un « domo arigato gozaimasu »: Le top du top sur l’échelle du remerciement japonais.

C’est alors qu’il s’arrête sur un parking. En fait, il m’a ramené au temple du Fujisan. Il me fait faire une petite visite, et il m’emmène à l’endroit où se font les prières. Il m’apprend alors à faire tout le rituel traditionnel pour remercier l’esprit du volcan d’avoir fait en sorte que nos routes se croisent. C’est un grand moment de partage culturel. Je n’oublierai jamais ces quelques minutes à imiter ses gestes sous ses consignes et son regard bienveillant.

Le petit cérémonial terminé, nous retournons à la voiture et il me reconduit à Kawaguchiko. Il me dépose à la gare, il pleut un peu, il me propose de me donner son parapluie, je refuse. J’estime qu’il en a assez fait, pas besoin de plus. Nous nous disons au revoir et il s’en va. En fait, c’était la première fois que je faisais du stop. Je peux dire que pour une première expérience j’ai eu droit au top du top. Une demi-heure plus tard, j’arrive à mon auberge puis je m’écroule sur mon lit.


Et voilà, c’est la fin. Pas mal comme aventure quand même non ? J’ai bien marché dix-huit heures. Toutefois même si ça a été une grosse galère, c’est en fait mon meilleur souvenir. Juste en lisant ce premier épisode, tu peux comprendre pourquoi j’ai eu envie de continuer à voyager par la suite. Depuis ce jour-là, une idée me trotte dans la tête : Prendre ma revanche sur le mont Fuji.

Et voici la vidéo dans laquelle je raconte cette anecdote fabuleuse :


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