Boum ! J’ai pulvérisé mon dernier record d’altitude de 5200 mètres en flirtant avec les 6000 mètres. L’ascension du Chachani face à la nature et aux éléments fut difficile. Voici un petit article sur une expérience que je n’oublierai pas de si tôt.
Le Chachani
Sous ce nom se cache un volcan qui culmine à 6057m. « Le plus facile des 6000 » apparemment. Pas technique pour un sou, il suffit de grimper, seule l’altitude peut être un frein. C’est à peu de choses près ce que j’avais lu dans un guide de randonnées. Il ne m’en fallait pas plus pour me lancer à l’assaut du colosse.
Pour ce faire, je passe par une agence. Seul, c’est possible, mais je ne me le sens pas du tout. Déjà, parce que je ne suis jamais monté aussi haut, mais aussi par ce que j’ai besoin de matériel de haute montagne et d’un guide. Et puis, il ne faut pas déconner non plus, car six mille mètres ce n’est pas rien.
Ce serait un peu de la folie d’y aller seul, car là on ne parle pas d’une petite rando, mais plutôt d’alpinisme, pas d’un gros niveau certes, mais quand même. Bref, sécurité et précaution avant tout. Il ne faut pas jouer au con avec la montagne, même si là on parle d’un volcan.
Préparation du matériel
C’est à huit heures du matin que vient me chercher le 4×4 de l’agence. Avec moi trois autres Français : Un couple Mathieu et Anne-charlotte et un jeunot d’une vingtaine d’années Sébastian. Une fois arrivé à l’agence chacun récupère le matériel dont il a besoin.
Pour moi, ce sera : Une polaire, un pantalon d’alpinisme, un bonnet, une paire de crampons et un piolet. Je ne suis pas peu fière lorsque le guide me dit que le matériel dont je dispose déjà est parfait ! Mes gants achetés à Cusco, mes super chaussures de randonnée, ainsi que mon fabuleux sac de couchage technique 3/4 de Valandré (oui, je fais de la pub gratos) que j’ai acheté avant de partir grâce à une grosse contribution de mon meilleur ami.
À cet instant se déroule une scène hallucinante. Sébastian, hésite à prendre les chaussures de l’agence. Il pense faire l’ascension du Chachani avec ses baskets en tissu, semelles lisses et trouées qui plus est !
« Non, mais t’es sérieux garçon !? Putain, t’es débile ou quoi ? Ta mère elle t’a bercé trop près du mur ! Sans déconner espèce de sous développé, t’as été déscolarisé à quel âge? Tu veux vraiment attaquer un 6000m en basket ? Mais t’es inconscient, tu vis dans quel monde ? »
Ça ; c’est ce qui se passe dans ma tête à ce moment-là. Mais de vive voix, j’ai été plus diplomate. Le mec me dit qu’il a peur d’avoir des ampoules avec les chaussures de l’agence. Et, qu’avec ses baskets il a déjà fait le trek du salankay, et l’autoroute du Vinicunca.
Je lui explique gentiment que là, on ne parle pas d’une petite marche de deux heures. Mais d’une ascension de quatre à cinq heures avec des températures très froides et probablement de la neige. J’ajoute que les ampoules c’est le dernier de ses soucis, il vaut mieux avoir des ampoules que de perdre ses orteils. Finalement après réflexion, il prend les chaussures.
Le trek du Chachani
La randonnée se déroule sur deux jours : un après-midi, puis une grosse journée qui débute très tôt le matin, ou plutôt disons la nuit.
Le Camp de base
Nous arrivons au point de départ de la première étape. Nous devons maintenant rejoindre le camp de base à deux petites heures de là.
Une fois sur place nous installons les tentes, profitons du paysage et nous prenons notre repas à quatre heures de l’après-midi. Ensuite, nous allons nous coucher vers six heures du soir. Oui, c’est tôt tout ça, mais c’est parce que nous commencerons à monter à deux heures du matin ! Ce qui veut dire se lever à UNE HEURE DU MAT ! Je sens que ça va être difficile.
L’ascension du Chachani
Une nuit difficile
Comme prévu, le réveil sonne à 1h00… J’ai dû dormir une heure à tout péter. En effet, j’ai passé la plus mauvaise nuit de ma vie. Déjà, niveau confort ce n’est pas tip-top, et chaque fois que je commençais à m’endormir, je me réveillais en sursaut en manque d’oxygène. Un peu comme quand tu émerges après avoir nagé sous l’eau un poil trop longtemps. Il faut dire que le camp de base est autour de 5000m.
J’enfile deux paires de chaussettes, deux pantalons, un t-shirt respirant puis une chemise de rando, la polaire, ma veste technique pour le froid et enfin le bonnet et les gants pour aller prendre le petit-déj’. Bref, j’ai la panoplie du mec qui va affronter les grands froids. Cette nuit, tout le monde a mal dormi, le guide nous dit que c’est normal. À cette altitude, c’est impossible de bien dormir, même lui n’a dormi que trois heures (le chanceux…). Après le petit déjeuner, nous attaquons la randonnée.
Une montée très compliquée
Cela fait une heure que nous montons sur un versant du Chachani à la lumière des lampes frontales, sous les étoiles et la Voie lactée, seul le bruit de nos pas brise le silence qui règne ici. Nous avançons en file indienne petit pas par petit pas, le rythme est lent ce qui me convient très bien. Niveau paysage c’est la nuit, du coup rien d’intéressant à voir le seul truc à faire c’est marcher. Pour le moment, tout va bien pour moi, je n’ai pas froid je respire bien et pas de mal aux jambes. Mais ça ne va pas durer…
Plus nous montons, plus le froid se fait mordant et plus l’oxygène se raréfie. Au bout de trois heures, je commence réellement à souffrir, d’autant plus que nous avons changé de versant et que le vent s’est levé. Un vent très fort qui me déséquilibre. J’ai le bout des pieds et les doigts gelés et j’ai du mal à respirer. Je ne suis pas le seul dans ce cas, mes trois compagnons sont logés à la même enseigne. Plus nous montons plus je fatigue et ça ne cesse pas de monter, le manque de sommeil se fait ressentir, chaque pas est difficile.
Le jour commence à se lever sur le Chachani, le vent est de plus en plus puissant, il est très difficile d’avancer, chaque déplacement est une épreuve et je ne vois toujours pas de sommet. Ce n’est pas très bon pour le moral de ne pas voir l’objectif… Franchement, je n’en peux plus, je puise dans mes réserves, mais le vent me sape le moral en m’empêchant d’avancer correctement. Je déteste le vent ! J’ai les doigts et les orteils congelés à moins qu’ils ne soient surgelés, je ne sais pas trop.
À bout de force
Maintenant, il fait jour. On s’arrête à l’abri du vent derrière un rocher, une protection de fortune pas vraiment efficace. Selon le guide, il nous reste encore une heure et demie avant le sommet. Nous avons attaqué la neige sans mettre les crampons. De toute façon, j’ai les doigts tellement gelés que je n’arriverais probablement pas à les fixer.
Anne-Charlotte est en larme, elle aussi n’en peut plus. Elle a les mains congelées et n’arrive pas à reprendre son souffle. Elle ne pense pas pouvoir tenir une heure et demie de plus. C’est la grosse détresse.
Nous sommes tous les quatre plus ou moins dans le même état. Alors, je décide de mettre les pieds dans le plat. Je dis à Anne-Charlotte que si elle en a assez, si elle veut redescendre, moi je suis d’accord, car je suis aussi dans un sale état.
Quoi qu’il en soit, nous sommes une équipe : ou l’on y va tous, ou l’on renonce ensemble. Nous n’imaginions pas que l’ascension du Chachani serait aussi difficile. Après concertation, nous décidons de continuer, le principal argument étant : « On n’a pas fait tout ça pour reculer ici ».
Nous repartons. Malgré le vent de plus en plus fort, la fatigue, le froid et le manque d’oxygène, je sors tout ce que j’ai, je donne tout, la plus petite portion d’énergie que j’ai est dirigée dans mes jambes. Mais c’est vraiment dur. Je te donne quelques chiffres pour que tu te mettes bien dans le contexte, sache qu’il n’y a aucune exagération :
La pente est proche de 45° dans la neige, le vent souffle entre 60 et 70 km/h, la température est de -15° et niveau altitude, on n’est pas loin des 6000.
Au bout de vingt minutes d’efforts titanesques, le guide nous dit qu’il faut redescendre, le vent est trop fort. C’est trop dangereux et en plus il nous empêche d’avancer. Honnêtement, la nouvelle me ravit, car je suis au bout du bout. Bon, il aurait fallu atteindre le sommet, j’y serai allé en serrant les dents, car je suis un p’tit gars avec de la ressource. Mais là, j’avoue, je suis soulagé.
La redescente
Eh oui, tu as bien lu, je n’ai pas atteint le sommet ! Mais tu noteras que dans l’intro, j’ai écrit que j’avais flirté avec les 6000. Je n’ai donc pas menti ! (ha ha !) Le guide nous a dit qu’on y était aux 6000, mais j’ai des gros doutes. Allez, on va dire qu’on les a faits même si c’est faux, l’air de rien on en a chié pareil.
La descente du Chachani ne sera pas une promenade de santé, le vent et la neige rendent la chose dangereuse. De plus, les trois quarts de la descente se font dans le sable et la poussière. Donc ça glisse et ça roule sous les pieds, c’est atroce !
Épuisé, je suis à la traîne derrière, je ne tiens plus sur mes jambes et je m’écroule plusieurs fois comme un étron sur le sol. Je crois que je n’ai jamais été autant fatigué de ma vie. J’en ai désormais plus que marre de marcher, je veux un hélico pour me ramener au camp.
Mathieu me prête ses bâtons de marche pour m’aider un peu, mais ça ne change pas grand-chose. Je n’arrête pas de me vautrer dans le sable. Puis finalement, j’arrive au camp, épuisé et lessivé, je m’effondre alors sur mon tapis en mousse inconfortable et je m’endors aussi sec.
Le retour au 4X4
Sébastian me réveille. Il est temps de plier la tente pour repartir. Le chemin du retour sera pour moi une vraie torture, une purge ! En plus maintenant, j’ai mon gros sac sur le dos, je le hais ce fardeau ! Je transporte aussi la tente, bref c’est le carton plein du désespoir. C’est à peine si j’arrive à lever les pieds et en plus je n’en ai pas envie. Enfin, j’aperçois le 4×4, ouf ! Le calvaire est terminé ! Je serai à l’hôtel dans quelques heures.
Bon, tu comprendras qu’avec quatre heures de marche de nuit et une température de -15 qui ne donne pas envie d’enlever les gants, je n’ai pas pris beaucoup de photos. De toute façon il n’y avait pas grand-chose à prendre à part ma tronche d’aventurier à deux doigts de décéder.
Conclusion : ce n’est pas brillant
Tu l’auras compris, j’ai très mal vécu l’expérience, c’était horrible. Si le vent ne s’était pas invité, j’aurais sans aucun doute atteint le sommet au prix d’un effort surhumain. Mais c’est le jeu, la montagne c’est imprévisible. Une fois n’est pas coutume, cette fois je vais te dire « n’y va pas ». Sauf pour le challenge, le défi d’atteindre les 6000 mètres. Car c’est la seule raison pour le faire, d’ailleurs on l’a tous fait pour ça.
Je n’ai pris aucun plaisir à faire cette ascension du Chachani. En fait pendant cette randonnée, je me suis juste fait pourrir et tabasser par mère Nature pendant sept heures. Côté paysage, tu passes la plupart du temps dans le noir à marcher dans le sable. Il n’y a aucune diversité.
Si j’avais bien dormi la veille, peut-être que j’aurais un peu plus apprécié le truc. Mais mes compagnons de galère on les mêmes sentiments que moi : Aucun intérêt, que du challenge. Toutefois, j’imagine que la vue du sommet doit être sublime. À toi de voir si tu aimes les défis !