Le trek Roraima est sans doute le plus beau du Venezuela et surement le plus intéressant, car il permet de découvrir le monde mystérieux des Tepuys. En avant à la découverte des hauts plateaux d’Amérique du Sud.
Jour 1 : La Gran Sabana
Le départ du trek, c’est le village de Paraitepuy. C’est le matin, après le petit déjeuner nous chargeons nos sacs sur le dos et partons pour une marche de quatre heures dans la Gran Sabana, la plaine du Venezuela. Nos porteurs sont chargés comme des mules. En effet, ils transportent toute la nourriture, de quoi la préparer, nos tentes et même une lunette de w.c..
Nous nous arrêtons dans une sorte de « mini bourg » perdu au milieu de la savane où quatre maisonnettes se battent en duel, pour passer la nuit. Nous croisons ici un couple de Japonais qui reviennent du Roraima. Ils portent des gants, des manches longues et même des fins filets qui leur couvrent le visage et le cou. Cet accoutrement saugrenu a en fait pour vocation de les protéger contre le « puri puri« .
Le puri puri est un minuscule moucheron noir qui pique. Cette petite bestiole est une sorte de commando des forces spéciales du royaume des insectes, en effet il passe partout. C’est une sorte de moustique ninja, tu ne le vois jamais, pourtant il te pique ! Et c’est plus vicieux qu’une piqûre de moustique, car si elle apparaît immédiatement sous la forme d’une mini bulle de sang, la morsure de ce petit monstre furtif ne gratte pas tout de suite. La démangeaison se déclare plusieurs heures après la piqûre ou même le jour suivant. Et là, c’est le début de l’enfer. Ça démange fort et longtemps, pendant plusieurs jours. Certaines personnes se grattent jusqu’à s’en arracher la peau. Bien sûr, le répulsif est inefficace contre ce petit démon. Certaines personnes du coin les nomment « plagas », la plaga en espagnol, c’est la peste… Bref, le puri puri est un fléau. Par chance, ma peau n’attire pas trop ce genre de parasites, j’ai été piqué, oui, mais bien moins que certains de mes compagnons de voyage.
Jour 2 : Aux portes du Roraima
Après une nuit sous la tente, nous repartons pour le deuxième jour du trek, pour quatre heures de marche et huit cents mètres de dénivelé. Plus nous avançons, plus l’objectif se dessine sous nos yeux. À ses côtés se dresse un autre tepuy : le kukenan. Les deux imposants hauts plateaux qui se dressent vers ciel semble avoir été oubliées là, ils sont comme posés sur la grande savane. Ces forteresses rocheuses se détachent du paysage qui les entoure. L’aspect des tepuys n’a rien avoir avec la vue que nous connaissons des chaines de montagnes, qui occupent tout l’horizon lorsqu’on les regarde.
Au cours de la marche, nous devons traverser une large rivière, il n’y a pas de pont. La traversée se fait dans le courant avec de l’eau jusqu’à la taille à l’aide d’une corde tendue entre les deux rives. Les porteurs passent en premier et se positionnent à divers endroits de la corde pour nous aider à traverser, car le courant est assez fort, c’est l’aventure. Détail amusant : Nous sommes tous en sous-vêtements !
Puis nous arrivons au camp de base. Il est au plus proche de la falaise du Roraima. En fait d’ici nous pouvons voir le chemin que nous emprunterons demain. C’est en fait le seul accès au sommet : « la rampe« . C’est une sorte de piste verte accrochée à la paroi qui monte jusqu’au plateau du tepuy.
Jour 3 : L’ascension
Le jour suivant, nous nous lançons à l’assaut du sommet. La pente est assez raide, c’est une montée de huit cents mètres de dénivelé sur une courte distance, dont la première partie traverse une forêt tropicale. Il faut entre trois et cinq heures de marche selon les personnes pour atteindre le sommet.
Pour moi, le problème est tout autre. En effet, depuis deux jours l’ennemi intime du voyageur me travaille le tube digestif : j’ai chopé la tourista ! Et elle ne me lâchera pas jusqu’au retour à Paraitepuy… Je me gave de médicaments et de Smecta, mais rien n’est efficace. C’est alors en serrant les fesses que je fais cette ascension en un peu plus de trois heures.
Vu que j’en suis venu à parler de ça, je vais continuer… Tu te demandes peut-être pourquoi un de nos porteurs transporte avec lui une lunette de w.c., eh bien c’est tout simplement pour faire la grosse commission. On pose la lunette sur un petit trépied dans une tente dédiée à l’opération, et l’on positionne un sac plastique à usage unique en dessous. Une fois l’affaire faite, on ferme le sac et on le jette dans un sac poubelle. D’où l’expression « l’affaire est dans le sac »… C’est un peu bizarre, c’est vrai. Mais en fait, il n’y a pas plus hygiénique si l’on y réfléchit. De plus, ça permet de ne pas polluer des sites naturels protégés comme le sommet des tepuys avec des bactéries.
Bon, ça veut aussi dire qu’il y a un pauvre porteur qui est chargé de transporter le caca de tout le monde pendant cinq jours. J’espère pour lui qu’il est mieux payé que les autres.
Jour 4 : Exploration du sommet du Roraima
Nous sommes donc enfin sur le plateau et nous y resterons deux jours pour l’explorer. Nous dormons dans un « hôtel ». Rien avoir avec un bâtiment qui accueille et loge les touristes, car il n’y a aucune construction humaine là-haut.
C’est en fait une cavité dans la roche ou un surplomb où poser sa tente. Ce qui permet ainsi de se protéger de la pluie, car il pleut souvent là-haut. Par chance, nous n’aurons pas de grosses averses, mais juste quelques heures de pluie. Les tepuys ont en effet leur propre météo et surtout, ce sont les uniques sources d’eau douce du pays.
Au sommet c’est un autre monde, tout est différent de ce qu’il y a plus bas le contraste est saisissant. En effet, j’ai l’impression d’avoir changé de planète. Ici, il n’y a pratiquement que de la roche de grès noire façonnée par l’érosion. Alors que, vu de loin et d’en bas le sommet a l’air plat, le plateau est en fait un terrain accidenté qui est plein de relief avec sa propre topographie. De tous les côtés, il y a des rochers et des monticules de pierres aux formes bizarres et monolithiques.
On trouve aussi sur le Roraima la vallée des cristaux. C’est un lieu recouvert de cristaux de quartz. Malheureusement, les plus beaux et les plus gros ont été volés lors des premières expéditions suivant la découverte du tepuy.
Et nous faisons aussi un tour aux « jacuzzis« . C’est un endroit avec des vasques remplies d’eau cristalline qui reflète tout ce qui l’entoure comme un miroir. Il est possible de s’y baigner, mais vu mon état je ne préfère pas tenter l’expérience.
La végétation est uniquement faite d’herbe et de plantes grasses et carnivores, il n’y a pas d’arbres. Notre guide nous déniche aussi une petite grenouille noire, le seul animal que nous croiserons ici. Les plateaux des tepuys étant isolés du reste du monde de par leurs hauteurs et leurs parois verticales, la faune est la flore qui s’y sont développée sont endémiques. On ne trouve la plupart de ces espèces nulle part ailleurs. De plus, comme l’exploration de cette partie de l’Amérique latine fût relativement tardive beaucoup d’espèces restent encore méconnues et peu étudiées.
Le clou du spectacle reste le bord des falaises du Roraima qui offrent une vue superbe sur la vaste Gran Sabana qui s’étend sur des centaines de kilomètres.
Au bout de ces deux jours, nous redescendons. Nous serons de retour à Paraitepuy deux jours plus tard pour reprendre les 4X4 et partir vers de nouvelles aventures !
Un peu plus d’infos sur le Roraima
Ce sont deux explorateurs britanniques, Everard im Thurn et Harry Perkins, qui ont exploré pour la première fois le Roraima en 1884 après plusieurs expéditions infructueuses. Son plateau sommital de 31 km² se situe en moyenne à 2600 m d’altitude, dont un point culminant à 2810 m.
Le Roraima est une frontière naturelle entre trois pays : le Venezuela, Guyana et le Brésil, il existe d’ailleurs une matérialisation physique du croisement de ces frontières sous la forme d’une petite pyramide : le triple point. C’est le récit des deux explorateurs britanniques sur le monde à part du Roraima qui inspira Arthur Conan Doyle pour écrire son livre « Le monde perdu ».
Voilà, c’est terminé pour ce trek et cette première semaine au Venezuela à la découverte de cette région unique dans le monde. J’ai adoré explorer ce lieu à la fois étrange, magnifique et fascinant à découvrir. Ce trek est vraiment quelque chose à faire.